Recit d’une plongée de nuit.
WE du 8/10 mai au Dramont, on est samedi, deuxième plongée de l’après-midi. La mer est belle, une douce chaleur nous fait apprécier l’eau un peu fraiche (19°C)
Après cette deuxième plongée, à l’unanimité sauf 4, nous décidons de faire une plongée de nuit. Rdv à 21h au club.
21h, les 16 motivés sont là. Alain, le gérant du club nous fait un briefing préparatoire au sec. Il nous rappelle les consignes spécifiques à la plongée de nuit, nous décris le site. Pierrot, notre DP, annonce les palanquées, tout le monde s’équipe et c’est parti!
21h30, tout le monde est à bord de la « chaloupe ». Chaloupe parce que c’est réellement une chaloupe de sauvetage de paquebot, qui a été réaménagée en bateau de plongeur.
Pour ceux qui ont vu le film, cela ressemble beaucoup à la chaloupe dans « L’odysssey de Pi », avec le tigre Richard Parker en moins!
Petite anecdote amusante : Il y a environ 4 ans, l’Essor avait fait un WE dans le même club, à bord de la même chaloupe. Chaloupe qui avait perdu son gouvernail lors de la manœuvre de sortie du port. Tous les plongeurs avaient dû sauter à l’eau et empêcher la chaloupe de venir s’échouer sur les rochers.
Mais le sort est conjuré, à 21h30, à la nuit tombée, Luc, notre pilote part sans soucis en direction des pyramides, face à l’Ile d’Or pour notre plongée nocturne.
21h40, Luc manœuvre pour accrocher la bouée… Première tentative ratée… Il recule… Un fort bruit métallique se fait alors entendre… Luc, inquiet, coupe tout
Je l’entends dire à Alain : « on a un gros problème ! »
Tout le monde se tait… Luc bataille avec son gouvernail… mais clairement, cela ne répond plus.
Nous ne sommes pas amarrés, il fait nuit, une légère brise nous pousse plein ouest, de plus en plus loin de l’Ile d’Or.
Le Radeau de la méduse… Ou plutôt le radeau de l’Essor dérive tranquillement.
Luc se met à l’eau et tente une réparation de fortune. Nous, on attend… On est dans le noir, l’air est doux, le vent se calme.
Nous avons le choix entre admirer la Lune et les étoiles pour ceux qui sont à tribord, ou les lumières de Saint Raphaël et Saint Tropez au loin pour ceux qui sont à bâbord.
22h (environ), Je vois Luc sortir son téléphone et passer plusieurs coups de fils.
Puis il nous annonce : Bon, nous n’avons plus de gouvernail. Nous dérivons. Un autre bateau va venir nous chercher.
Tout le monde à bord reste serein… les blagues sur le fait qu’il y a des problèmes de gouvernail à chaque fois que l’on vient fusent… L’ambiance est bonne enfant. Après tout, autant en rire : La mer est calme, il fait doux… Il y a pire.
Mais le temps passe… toujours pas de bateau en vu.
Luc repasse des coups de téléphone…Je l’entends essayer de décrire notre position au bateau de secours… Mais pas facile. Nous dérivons dans le noir et la mer est grande. Il s’en suit des dizaines de minutes ou Luc essaye d’avoir un contact visuel avec l’autre bateau à coup de signaux lumineux et de coups de téléphone.
Alex, toujours prêt pour le bon mot demande si le pilote qui vient nous chercher s’appelle Gilbert Montagné… Même Luc, tendu, va en rire.
Mais, miracle, dans le noir, au milieu de rien, on finit par entendre le doux ronronnement d’un autre bateau. Notre sauveur arrive. A la limite de la portée de nos lampes de plongées, nous voyons sortir du noir une autre chaloupe. C’est Pierre, le patron du club, qui nous a enfin trouver.
La rencontre est un peu « sèche »… « éteignez vos lumières » nous crit-il… nous obtempérons, puis Luc lui envoie un bout pour être pris en remorque.
Le retour vers l’ile d’Or est long… Nous avons beaucoup plus dérivé que nous ne le pensions.
23h, Pendant le retour, Luc nous demande si on veut encore plonger. Sondage rapide, un « OUI » en ressort.
C’est à ce moment, que dans ma tête, je passe doucement de « Plongeur » à « Président ».
L’idée de faire une plongée de nuit depuis un bateau non-manœuvrant, assisté d’un autre non-éclairé me pose question.
Pendant ce retour, je demande à lors à Luc comment la plongée va se dérouler. Sa réponse vague me fait comprendre qu’il n’en sait rien parce que c’est Pierre, le patron, seul sur le bateau remorqueur, qui va décider. Le même Pierre qui n’a jusqu’ici, ne nous a dit que « éteignez vos lumières ».
La situation me pose de plus en plus question.
Avec Pierrot, notre DP, nous commençons a faire le point pour savoir si la sécurité est toujours optimale pour faire notre plongée de nuit. Nous avons de plus en plus de questions sans réponses.
23H15, nous sommes de retour à l’Ile d’Or, l’encre est posée… Luc nous fait le briefing.
Mais le site n’est pas le même, il fait nuit noire, et nous n’avons jamais plonger de jour à cet endroit. Pour moi, le briefing n’est pas clair. Je ne comprends pas la géographie des fonds. Je redemande des précisions. Pierre, le patron, prend alors la parole sur un ton agacé.
Il nous re-décris le site, mais pour moi la version n’est pas la même. Entre les 2 briefings, les parcours et les profondeurs ne collent pas. En plus, allemand d’origine, son discours est franco-anglo-germanique… pas clair
23H30 L’atmosphère est beaucoup moins à la déconnade.
Dans ma tête, tout se bouscule… Le plongeur que je suis a clairement envie de plonger. L’encadrant que je suis doute sur le parcours à faire. Le Président que je suis se dit qu’il faut prendre une décision.
Fort de la discussion avec le DP (Pierrot), je fais le compte dans ma tête:
– Il est tard, cela fait 2H que l’on est en mer.
– Certains peuvent commencer à avoir froid
– Certains peuvent être fatigués
– C’est notre troisième plongée de la journée
– Nous sommes sur un bateau en panne assisté d’un autre sans feux, comment récupérer une palanquée perdue?
– Le site n’est pas connu et le briefing n’est pas clair
– Je sens clairement dans l’ambiance que la motivation et la confiance ne sont plus là.
Il faut décider. Je prends la parole, j’annule la plongée.
Finalement, tout le monde est soulagé. Sauf Pierre, toujours énervé, qui lâchera un « tout ça pour rien ! » avant de repartir sur son bateau et nous reprendre en remorque jusqu’au port sans un mot de plus.
On restera, pour certains d’entre nous, quand même admiratif de la technique de Pierre pour rentrer au port deux bateaux, dont le nôtre à la dérive.
Se termine ainsi notre plongée de nuit, qui n’aura été qu’une dérivante de nuit, façon radeau de la méduse.
Petite morale de cette histoire:
La plongée est un sport engagé, on le sait. Mais cela doit rester un plaisir et cela doit se dérouler dans des conditions de sécurité optimales.
A l’échelle d’un individu, ou du groupe entier, on ne doit pas rogner les marges de sécurité.
Oui, on a perdu une soirée à être balloté en mer. Mais on n’a perdu que ça.
Voir même, on a gagné une anecdote que l’on se racontera encore longtemps… Et moi, je ne verrai plus jamais Gilbert Montagné pareil!
Cette longue description de cette non-plongée de nuit ne doit pas occulté que nous avons encore passé un très bon WE ESSOR et dans une très bonne ambiance!
Bertrand